Nous avons vu lors de notre publication précédente ("Pourquoi la mesure de la productivité peut nuire à la performance"), que les indicateurs comptables et financiers utilisés en entreprise peuvent parfois être à l’origine de distorsions importantes de la compétitivité et conduire aux mauvaises décisions. Ces indicateurs, en favorisant les mauvais comportements, peuvent générer des stocks excédentaires, retarder les projets, et conduire les Managers aux mauvaises décisions avec des impacts majeurs sur la performance financière des entreprises. Voyons ensemble quelle alternative aux indicateurs de productivités métiers peut permettre d’aligner l’ensemble des métiers vers l’objectif de générer plus de profits.
Prenons un exemple pour commencer.
Considérons le cas d’une entreprise industrielle qui doit décider d’investir ou non dans une machine pour produire 30 000 pièces par an. Supposons que cette machine coûte 100 k€ mais permette de produire des pièces 2 fois plus rapidement qu'aujourd’hui.
L’approche traditionnelle et comptable pour justifier l’investissement est de calculer le ROI (Retour sur Investissement). On commence par estimer le gain de temps économisé par pièce produite. Si la machine fait gagner 5 minutes par pièce, sur une production de 30 000 pièces, on estime gagner 2500 heures. Ensuite on transpose ce gain de temps en gain économique. Avec un coût direct de main d’œuvre de 8€/h et un facteur d’Overhead de 4 on économise (8€+4x8€)/h = 40€/h soit 100 k€ par an, donc un amortissement de la machine sur 1 an ce qui permet de valider facilement l’investissement.
Découvrons maintenant le Throughput Accounting, la solution proposée par la Théorie des Contraintes qui définit des règles communes de mesure de la performance dictée par une vision simplifiée de la comptabilité.
Il s'agit de mesurer l'impact de ses décisions sur 3 notions clés définies comme suit :
T = Throughput, il s'agit du rythme auquel l’entreprise génère de la valeur. Il est calculé sur la base du produit des ventes sur une période donnée, auquel nous retranchons le coût des matières premières et composants achetés à tout fournisseur externe.
I = Investment, il s'agit des investissements à la fois en capital (bâtiment, machines, système d'information, …) et des inventaires (stocks de produits finis, encours, matériaux)
OE = Operating Expenses, il s'agit des dépenses de l'entreprise nécessaire tous les mois pour transformer les Investissements en Throughput. Cela inclut les salaires, amortissements, fournitures, électricité, chauffage, loyers, etc…
Sur la base de ces définitions, on peut construire les dérivées suivantes :
Net Profit = Throughput – Operating Expenses = T-OE
ROI = Return on Investment = Net Profit divided by Investment = (T-OE)/I
En utilisant ces notions, chaque manager est alors invité à évaluer ses propres décisions en mesurant leur impact sur le Net Profit et sur le ROI. Cela nécessite que le manager travaille avec d'autres managers et responsables fonctionnels de l'entreprise afin de mesurer ces impacts sur l'entreprise dans sa globalité. Au contraire, en fonctionnant en silos, il est évident que les décisions seront prises sans considérer les conséquences potentiellement négatives pour l'entreprise dans son ensemble.
Reprenons maintenant l’exemple précédent en utilisant les notions du Throughput Accounting.
Prenons d’abord le cas où cette machine n’est pas une contrainte/un goulot de production (au sens de la Théorie des Contraintes, cette machine ne limite pas la production de valeur pour l’entreprise). Tout d’abord les économies de 100 k€ annoncées ne seront pas réalisées. En effet, l’achat d’une nouvelle machine réduit rarement le niveau des frais généraux / overhead de l’entreprise. De plus les opérateurs qui fabriquaient cette pièce avec l’ancienne machine ont-il été licenciés ? Rien n’est moins sûr. Le gain de temps ne se traduit donc pas forcément en économie sonnante et trébuchante pour l’entreprise et donc les OE- Operating Expenses ne baissent pas vraiment alors que l’investissement I augmente bien. Ensuite, pour justifier de cet investissement, on va l’exploiter au maximum de sa capacité afin de réaliser les économies annoncées. Sachant qu’il ne s’agit pas d’une ressource contrainte, cela va générer des encours de production et une augmentation des inventaires et donc de la valeur de I-Investment. Enfin le Throughput T risque de baisser car les délais de production vont augmenter.
Prenons un second cas ou la machine est un goulot de production. Supposons maintenant que la machine n’est pas 2 fois plus rapide mais simplement 10% plus rapide. En reprenant le raisonnement initial le ROI d’un an passe alors à 10 ans. Un tel investissement ne sera logiquement pas validé. Cependant sachant qu’il s’agit d’une ressource contrainte pour l’entreprise, il ne faut pas raisonner en économie mais en valeur crée par des ventes additionnelles. Supposons que le Chiffre d’affaires total de l’entreprise est de 10 M€ et que la matière première représente 50% des ventes. Si la machine ajoute seulement 5% de capacité au goulot, cela générera 500 k€ de CA et 250k€ de Throughput T. Dans ce cas le ROI peut être justifié en quelques mois.
Cet exemple démontre que, d’une part, les managers doivent raisonner au-delà de leur périmètre de responsabilité afin de prendre des décisions en ayant mesuré l’impacts de leurs actions sur les profits et ROI de l’entreprise, et d’autre part que les indicateurs purement économiques dictés par les règles comptables peuvent fausser bon nombre de raisonnements et conduire vers de mauvaises décisions.
Et vous quelle est votre situation ? Dans votre organisation, est ce que le monde du coût domine ? Pensez-vous que des décisions incohérentes sont parfois prises ? Vos comportements sont-ils dictés par la tenue des budgets, sans visibilité de l'impact de vos décisions pour la profitabilité de l’entreprise ?
Contactez-nous pour établir un audit de votre performance et entamer le changement nécessaire pour plus de performance et de profits.
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